Nous avons passé 1 mois en mission auprès des Missionnaires de la Charité de Casablanca. Ce mois de service nous a apporté énormément de joie et d’émotion ; il nous a également permis de découvrir et comprendre certaines tristes réalités qui rongent encore la société marocaine…

 

Nous tâcherons ci-dessous de vous raconter notre mission mais devrons taire certains faits et noms pour des raisons de respect et de confidentialité.

Les filles-mères au Maroc

Au Maroc, une femme aura de grandes difficultés à se marier si elle n’est pas vierge, de sa virginité dépendant son honneur et celui de toute sa famille. La virginité est en quelque sorte le passeport obligatoire pour le mariage ! Les hommes, quant à eux, ne sont absolument pas concernés et peuvent enchainer les conquêtes…

 

Ce déséquilibre de la société marocaine crée des problèmes complexes. Une femme se retrouvant enceinte hors mariage, quelle qu’en soit la raison (viol, violence, inceste ou fausse promesse de mariage), est immédiatement rejetée par sa famille pour éviter que la « honte » ne s’abatte sur la lignée ; certaines femmes quittent même délibérément le foyer familial pour cacher leur grossesse à leur entourage et éviter la malédiction de leurs parents. De nombreuses femmes se retrouvent ainsi à la rue et sans argent. Une fois qu’elles auront accouché, certaines d’entre elles auront la possibilité de revenir chez elles, à condition… de vendre ou d’abandonner le bébé !

Que font les Missionnaires de la Charité à Casablanca ?

L’essentiel de la mission des Missionnaires de la Charité de Casablanca est d’accueillir et d’héberger au sein de leur propre maison ces filles-mères telles qu’elles sont, sans chercher à connaître leur histoire. La seule condition est que les jeunes filles gardent leur enfant après l’accouchement – si cela n’est pas voulu ou possible, les Missionnaires de la Charité les orientent vers des associations spécialisées, telles que « Solidarité Féminine ». Les Missionnaires de la Charité apprennent ainsi aux futures mères à accepter et aimer cet enfant souvent non désiré. Elles sont toutes, avec des sensibilités très différentes (7 sœurs - 6 nationalités), de véritables mères pour ces jeunes femmes. En plus de l’aide matérielle qu’elles leur apportent pendant la grossesse, elles les encouragent, les valorisent, leur apprennent à retrouver confiance en soi et en l’autre – pas facile lorsque l’on a été mis à la porte par ses propres parents... La mission des Missionnaires de la Charité se poursuit même après l’accouchement : elles aident les jeunes filles à trouver un travail ou à reprendre des études, elles leur paient les premiers mois de loyers et leur donnent de nombreuses affaires pour commencer une nouvelle vie (vêtements pour elle et pour le bébé, vaisselle, matelas et, tous les mois, un grand sac de provisions !). Elles ont également constitué une petite crèche pour garder les bébés des mamans travaillant la journée. Les Missionnaires de la Charité de Casablanca ont ainsi créé une famille pour accueillir ces futures mères dans le besoin.

 

Les Missionnaires de la Charité s’occupent également de malades du cancer en phase terminale dont plus personne n’accepte de soigner les blessures, tellement celles-ci sont horrifiantes... Inès, qui les a plusieurs fois aidées, a en effet été bouleversée par l’état des corps qu’elle a vus… Ainsi, les Missionnaires de la Charité hébergent chez elles quelques malades en fin de vie et se rendent tous les mardis et samedis matins à l’hôpital de Casablanca, où des dizaines de malades les attendent pour que leurs pansements soient changés. C’est toujours avec le sourire que les sœurs prennent soin de toutes ces personnes souffrant, d’une façon ou d’une autre, du rejet et du mépris.

 

Enfin, les Missionnaires de la Charité accomplissent diverses missions, telles que le catéchisme pour les enfants d’expatriés français ou espagnols, et aident de nombreuses familles marocaines dans le besoin, notamment en leur donnant régulièrement un gros sac de provisions. Elles vivent également une vie de prière belle et exigeante à laquelle nous avons eu la chance d’être associés, notamment pour la messe quotidienne ! 

Et nous dans tout cela ?

Pendant 1 mois, nous étions au service des sœurs pour les aider là où elles avaient besoin de nous : faire le ménage dans la maison, constituer des sacs de provisions pour les familles dans le besoin, garder les bébés à la crèche, préparer les pansements qui seront ensuite utilisés pour les malades… Inès s’est même improvisée professeur de Français pour une sœur indienne et moi professeur de Mathématiques pour une maman reprenant ses études… on vous laisse imaginer le résultat !

 

Mais, surtout, le cœur de notre mission était de passer du temps avec les futures mamans en jouant et rigolant avec elles. Cela nous a un peu déboussolés au début : lorsque nous allions aider les Missionnaires de la Charité de Paris pendant nos fiançailles, le service consistait à préparer et distribuer près de 400 repas en moins de 4 heures ; le rythme était très intense et nous n’avions pas une seconde de répit mais nous nous sentions efficaces ! A Casablanca au contraire, nous n’avions pas nécessairement le sentiment d’être « utiles »… mais nous avons appris à « être » plus qu’à « faire » ! Notre rôle était d’être là pour ces jeunes filles, de les entourer de notre joie et de notre amour, tout simplement. Ateliers peinture ou perles, jeux de société (elles ont adoré le Jungle Speed !), kermesse (organisée pour notre dernier jour) : tout était bon pour les faire rire et leur montrer qu’elles avaient de la valeur à nos yeux ! J’étais admiratif d’Inès : elle avait toujours une phrase ou un compliment juste pour elles, pour les encourager et pour les valoriser ; elle était une comme une grande sœur pour ces filles-mères ! Quant à moi, j’essayais de saisir la moindre occasion pour les faire rire et mettre un peu de gaîté dans leurs cœurs ! J’adorais notamment profiter de la séance lessive pour lancer une bataille d’eau géante avec les futures mamans et les Missionnaires de la Charité ! Quelle joie immense, pour nous, de voir se dessiner sur leurs visages un sourire ou d’entendre éclater leurs rires !

 

Cette mission était loin d’être évidente pour moi en tant qu’homme : j’étais le seul homme de la maison et devais avoir un rôle de grand-frère, d’ami. Et nous deux en tant que couple marié devions montrer l’image d’un couple rayonnant, heureux et épanoui, pour montrer à ces jeunes femmes que l’amour et la vie à deux est source de joie – chose facile vu notre bonheur d’être mariés depuis 2 mois déjà !

 

Cette mission nous a également appris l’humilité ; l’humilité de « donner sans compter, sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que nous faisons la Sainte Volonté du Seigneur » (prière scoute de saint Ignace). En effet, nous ne recevions pas toujours de remerciements après les différentes activités que nous organisions ; mais nous avons vite compris que cela importait peu. Nous étions là pour donner aveuglément et avons reçu au-delà des remerciements, par tous ces sourires que nous avons recueillis et par l’amitié et la complicité que nous avons nouées avec ces futures mamans ; et, surtout, NOUS avions choisi de venir ici, sans qu’ELLES ne nous demandent rien… nous n’étions pas là pour NOUS mais pour ELLES !

 

Prendre le temps et aimer sans retour, voilà ce que nous avons appris grâce à ces jeunes filles pleines de courage !


Le centre social « Dar El Keir »  de Tit-Melil

Le mardi après-midi, nous allions, accompagnés de 2 Missionnaires de la Charité, passer l’après-midi au centre social « Dar El Keir » de Tit-Melil, construit à la périphérie de Casablanca sur une superficie de 12 hectares.

 

Là-bas, 900 pensionnaires sont entassés dans des baraquements insalubres où la crasse a pris le pouvoir. Dans certains baraquements pouvant contenir 60 personnes, on en retrouve 140 (inutile de préciser qu’il n’y pas un matelas par personne et que la loi du plus fort règne !). SDF, mendiants, anciens taulards, délinquants, vagabonds, prostituées, enfants abandonnés, handicapés physiques et/ou mentaux et déséquilibrés psychiques se retrouvent ici, au sein de la saleté et des mauvaises odeurs… Difficile de croire qu’au milieu de cette « décharge humaine », nous sommes au XXIème siècle, au Maroc, à Casablanca - la capitale économique du pays !

 

Au milieu de cette misère humaine, nous tentions de donner tout l’amour possible… De baraquements en baraquements, nous apportions des gâteaux et organisions des jeux pour distraire les personnes qui s’y trouvaient : ateliers puzzles, jeux de fléchettes, constructions en kapla… Des moments simples mais si importants pour les pensionnaires qui se sentirent exister le temps d’une après-midi !

 

Deux impressions face à tant de détresse : la révolte devant tant de misère et, surtout, la volonté d’agir et de tout donner, de mettre toute son énergie pendant ces quelques heures pour les pensionnaires ! Après chaque après-midi passée en leur compagnie, nous pouvions voir briller dans leurs yeux une marque de reconnaissance malgré la souffrance – la journée était alors gagnée ! Quelle joie d’être là pour ces rejetés, ces délaissés… Le message de Jésus et de Mère Teresa est au cœur cette action que font les Missionnaires de la Charité tous les mardis après-midi !

Chez qui logions-nous ?

Pendant toute la durée de cette mission, nous logions chez une famille d’expatriés français : les Jacquier. Cette magnifique famille de 6 enfants restera pour nous un bel exemple de charité et d’accueil : nous ne les connaissions pas mais Amélie, Jérôme, Ombeline, Jean-Baptiste, Domitille, Colombe-Anne, Louis-Marie et Cyprien nous ont ouvert la porte de leur maison et de leur cœur pendant 1 mois.

 

Au début, Inès était mal à l’aise avec le fait que la journée nous aidions les Missionnaires de la Charité et que le soir nous allions nous reposer dans une maison très belle et confortable ; mais après réflexion et discussion avec nos hôtes, nous y avons trouvé un sens correspondant au but de notre Aven’tour ! Nous avions décidé de nous abandonner à la Providence, et la Providence avait mis les Jacquier sur notre route (j’avais rencontré chez les Missionnaires de la Charité de Paris un père de famille qui m’avait donné les coordonnées de son frère habitant Casablanca : Jérôme Jacquier !), donc à nous d’accueillir les cadeaux de la Providence comme ils nous viennent ! Et, surtout, à nous d’en tirer toutes les joies qu’ils peuvent nous apporter ! En effet, partager pendant 1 mois la vie de famille des Jacquier nous a enrichis et donné des clés pour NOTRE future vie de famille. Par ailleurs, nous avons grâce à eux rencontré énormément de monde et ainsi pu témoigner de notre projet tout en découvrant de très belles personnes. Enfin, en mettant les Jacquier sur notre route, la Providence a allumé l’étincelle qui a permis à cette touchante famille d’accomplir un superbe acte de charité : « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Evangile selon saint Matthieu). Et cela nous a donné une grande leçon d’humilité : comme l’a dit le père François lors de notre messe de départ, « vous serez surpris au cours de votre voyage car vous partez pour servir mais vous allez vite vous rendre compte que c’est vous qui serez servis ; vous partez pour laver les pieds de votre prochain mais vous allez vite vous apercevoir que c’est votre prochain qui vous lavera les pieds ! ». Notre mission à Casablanca restera donc marquée par l’accueil de cette famille incroyable qui nous a lavé les pieds pour nous permettre à notre tour de laver les pieds de toutes ces personnes que nous avons rencontrées chez les sœurs. Encore une fois, un immense merci à Amélie, Jérôme, Ombeline, Jean-Baptiste, Domitille, Colombe-Anne, Louis-Marie et Cyprien Jacquier !

Notre témoignage

Pendant ce mois à Casablanca, nous avons eu la chance de pouvoir témoigner devant différents  publics : collégiens et lycéens français, jeunes de l’aumônerie, étudiants subsahariens, familles d’expatriés français, prêtres, religieuses et religieux, voyageurs et pèlerins…

 

Lors de ces témoignages, organisés ou non, nous avions à cœur de parler de notre Aven’tour, du sens que nous souhaitons lui donner – être tournés vers l’Autre et accueillir les fruits de la Providence – et, bien sûr, de Mère Teresa et de la congrégation qu’elle a créée, qui vit au quotidien sa foi au contact « des plus pauvres d’entre les pauvres ».

 

Ce que nous souhaitons souligner à propos de ces moments de témoignage, c’est finalement ce que NOUS en avons retiré. Nous étions partis en pensant vouloir témoigner de notre projet et PARLER de Mère Teresa et des Missionnaires de la Charité ; en réalité, nous nous rendons peu à peu compte que les personnes qui nous accueillent on énormément à nous apporter et qu’ECOUTER est une source de grande richesse. Finalement, nous aurons plus écouté que parlé lors de ce mois et demi au Maroc, et Dieu sait combien cela nous a apporté… Nous avons beaucoup appris sur le Maroc, sur la richesse de ce pays mais aussi sur ses limites ; et nous avons découvert des personnalités hors du commun qui, quotidiennement, font « de petites choses avec un grand amour », mettant le message du Christ au cœur de leur vie et apportant à l’existence de ceux qu’elles aident un peu plus de saveur. 

Juin 2016