Pour la dernière mission de notre Aven’tour, nous avions prévu de rester 1 mois chez les Missionnaires de la Charité de Shkodra ; mais, encore une fois, nous nous sommes laissés guider par la Providence : en arrivant chez les sœurs, nous avons rencontré les frères Missionnaires de la Charité (Mère Teresa a co-fondé cette branche masculine avec le Père Sébastian Vazhakala en 1979), qui nous ont dit avec beaucoup d’enthousiasme qu’ils ne recevaient jamais de volontaires et qu’ils seraient ravis de nous accueillir ! Etienne souhaitait depuis longtemps rendre visite à des frères Missionnaires de la Charité et nous avions toujours dit que nous allions là où l’on avait besoin de nous ; nous avons donc décidé de rester 2 semaines chez les sœurs puis d’aller 2 semaines chez les frères.

Notre mission chez les sœurs Missionnaires de la Charité de Shkodra

A Shkodra, les sœurs Missionnaires de la Charité accueillent une soixantaine de femmes souffrant de handicaps mentaux plus ou moins lourds. Dans une première maison logent une trentaine de femmes lourdement handicapées ; dans une deuxième petite maison vivent 4 fillettes atteintes de Trisomie ; et dans une troisième maison logent une vingtaine de jeunes filles souffrant d’un léger retard mental mais tout à fait autonomes. Ces femmes ont toutes été abandonnées à la naissance et les Missionnaires de la Charité les ont récupérées à l’orphelinat ou parfois directement à l’hôpital.

 

Le moins que l’on puisse dire à propos de cette mission… c’est qu’elle nous a bouleversés à plus d’un titre ! Depuis le début de l’Aven’tour, nous nous disions que la dernière mission en Albanie irait « comme sur des roulettes » ; et bien pour tout vous avouer les premiers jours n’ont pas été faciles ! Tout d’abord parce que c’était la première fois que nous nous occupions de personnes lourdement handicapées, et cela peut souvent être impressionnant au premier abord ; mais aussi parce qu’on ne s’habitue jamais à la détresse humaine. Nous avons beau avoir vu beaucoup de pauvreté matérielle, affective et spirituelle pendant cette année, nous restons toujours aussi sensibles à la souffrance de l’Autre - et heureusement car il serait terrible de laisser place  à l’indifférence ! Un des moments les plus bouleversants de cette mission fut l’adoration du Saint Sacrement partagée avec les femmes lourdement handicapées, le premier samedi. Les voir ainsi face au Seigneur, avec leurs comportements étranges et leurs bruits bizarres, m’a profondément touchée : je me suis rendue compte que malgré toutes les questions que cette mission soulevait en moi, ces jeunes filles étaient les enfants de Dieu ; qu’Il les aimait telles qu’elles étaient, avec leurs différences, et que je devais donc faire de même. 

 

Cette mission n’a pas été facile au début mais peu à peu nous avons compris qu’une nouvelle fois le plus important était tout simplement d’être là pour ces femmes, de leur apporter le plus d’amour et de joie possibles en acceptant parfois de s’ennuyer. Et, heureusement, nous avons comme toujours pu compter sur le magnifique soutien des Missionnaires de la Charité ! Tout au long de notre Aven’tour, elles auront été pour nous une deuxième famille ! Notre cœur est rempli de gratitude envers ces femmes incroyables de générosité et de foi, et d’admiration pour cette magnifique congrégation : présente sur les 5 continents, dans plus de 800 maisons et 138 pays, ces 5 500 sœurs sont des cadeaux extraordinaires pour le monde et pour les centaines de milliers de personnes qu’elles aident chaque jour ! Merci à toutes ces petites Mère Teresa de l’ombre…

Cette mission a également été marquée par une belle amitié avec les 20 jeunes filles de la troisième maison, hyper attachantes. Ces femmes ont toutes été abandonnées à la naissance mais les Missionnaires de la Charité ont su recréer un bel esprit de famille : chaque jeune fille a un rôle bien précis pour participer à la vie de la communauté et apporter son aide aux patientes de l’autre maison, plus lourdement handicapées : ménage, épluchage des légumes, aide aux repas, vaisselle, lessive… Cet esprit d’entraide est magnifique et, en responsabilisant ces jeunes filles, leur permet de retrouver confiance en elles. Nos amies nous ont également bluffés par leur vie de prière : elles prient le chapelet tous les jours et participent régulièrement à la messe et à l’adoration avec les sœurs ! Et quelle émotion, lors de la veillée pascale, d’assister au baptême de 2 d’entre elles !

 

En effet, après avoir fêté Noël à Calcutta, ce fut Pâques à Shkodra ! Nous avons eu la chance de vivre la semaine sainte avec les Missionnaires de la Charité : pouvoir aider les sœurs à porter la croix de toutes ces femmes fut pour nous une manière belle et émouvante de vivre ce temps fort de notre vie de chrétiens ; ce fut, à notre toute petite échelle, notre façon d’aider le Christ souffrant à porter la croix de Sa Passion… 

Le samedi soir, nous avons assisté à la vigile pascale dans la cathédrale de Shkodra en compagnie des 8 Missionnaires de la Charité et des 20 jeunes filles. On ne vous cachera pas que les 3 heures de messe tout en Albanais, entre 22h et 1h du matin, ont été un peu longues… mais nous avons vécu avec beaucoup de joie le baptême de 2 de nos amies ! Quelle émotion de voir Maryetta et Yolanda si heureuses de rejoindre la grande famille des enfants de Dieu, ainsi que les 18 autres si présentes et contentes pour elles ! Le lendemain, dimanche de Pâques, nous avons fêté la résurrection du Christ au cours d’une superbe messe à la cathédrale suivie d’un petit-déjeuner gourmand préparé par les sœurs… puis de mon fameux gâteau chocolat-caramel, que j’avais préparé avec amour pour l’ensemble de la maison !

 

Notre mission chez les sœurs Missionnaires de la Charité s’est terminée le lundi de Pâques par une journée que nous ne sommes pas prêts d’oublier… Selon la tradition, les sœurs ont offert aux 20 jeunes filles le repas de leur choix, c’est-à-dire kebabs et Coca-Cola ! Deux fois par an, à Pâques et à Noël, les Missionnaires de la Charité permettent en effet aux filles de choisir ce qu’elles veulent pour le déjeuner. Nous avons donc dressé une superbe table à l’extérieur, mis de la musique et dansé tous ensemble ! Quelle joie de voir les filles rire aux éclats ! Le soir, autre tradition du lundi de Pâques : les sœurs ont offert un dîner BBQ aux filles ! De nouveau, l’ambiance battait son plein : danses et chants autour du feu, avec Sœur Cayera Mary aux platines et Sœur Maximina pour nous entraîner aux danses africaines : qu’est-ce que nous avons rigolé ! C’est dans les larmes et les embrassades que nous avons quitté nos chères amies… En 2 semaines, nous nous serons vraiment beaucoup attachés à ces filles pleines de joie !

Notre mission chez les frères Missionnaires de la Charité de Bushat

Selon le changement de programme prévu le jour de notre arrivée à Shkodra, nous avons donc poursuivi notre mission par 2 semaines chez les frères Missionnaires de la Charité. Ceux-ci habitent à Bushat, un petit village situé à 10 kilomètres de Shkodra, et s’occupent d’une trentaine d’hommes souffrant de handicaps mentaux plus ou moins lourds.

 

Tous les matins, Etienne se levait dès 6h pour aller doucher les hommes. Je le rejoignais ensuite pour donner le petit-déjeuner puis, tandis qu’Etienne allait joyeusement retrouver les hommes pour leur changer les idées avec des jeux et des danses, j’allais généralement aider à la cuisine avant de retourner dans la salle à manger pour le déjeuner. L’après-midi, nous passions du temps avec les hommes avant de leur donner le dîner. J’étais chargée d’aider Adrian, handicapé physiquement, pendant qu’Etienne s’occupait de la vaisselle – un très bon entraînement pour la France !

 

Tous comme les 2 semaines passées chez les sœurs, cette mission nous a bouleversés, voire par moments révoltés. « Comment ne pas l’être en regardant ce gars, qui a le même âge que moi, passer ses journées à se donner des claques ou à se taper la tête avec ses genoux ? » me disait régulièrement Etienne… L’attitude des hommes les plus lourdement atteints nous a en effet menés à nous poser des questions difficiles : pourquoi eux et pas nous ? comment Dieu peut-il tolérer cela ? Une nouvelle fois, nous avons pu compter sur le soutien extraordinaire des Missionnaires de la Charité : les 6 frères étaient adorables avec nous et furent de magnifiques exemples d’amour ; ils nous ont beaucoup encouragés à tout simplement être avec ces hommes, à leur prendre les mains, à chanter pour eux, à les amuser avec des jeux simples… Nos questions resteront sur cette Terre sans réponse – là est tout le mystère de la Vie et de la Foi… – mais plus que jamais nous avons compris la force et l’importance de l’amour : quelle joie de voir celui qui passait ses journées à se frapper la tête attraper ma main et la serrer contre lui…

 

En-dehors du temps passé auprès de ces hommes, nous avons également accompagné les frères dans leurs diverses activités apostoliques : distribution de la communion à celles et ceux qui n’avaient pas les moyens ou les aptitudes pour se rendre à la messe, visites aux familles les plus pauvres pour leur apporter des denrées alimentaires… sans compter cette matinée que nous avons passée en prison, le jour de mon anniversaire ! Nous avons en effet accompagné les frères dans une prison albanaise pour célébrer la messe de Pâques, à laquelle les détenus n’avaient pu assister le jour J. Les frères vont régulièrement visiter les prisonniers et ont pu nous faire part des conditions de détention effroyables que subissent ces derniers : ils sont 240 prisonniers entassés dans des locaux qui ne peuvent en contenir que 150, et l’Etat ne leur donne aucune aide ; les 120 pauvres hommes qui ne reçoivent pas de visite manqueraient donc de savon, de vêtements, de chaussures, etc., si les Missionnaires de la Charité ne venaient pas les voir… Je vous laisse imaginer la détresse de ces prisonniers lorsqu’il a fait -20°C en janvier dernier et que les plus chanceux n’avaient qu’un matelas pour se couvrir…

 

La messe célébrée par un des frères pour une trentaine de prisonniers fut très émouvante : nous avons senti un grand souffle de miséricorde embrasser tous ces hommes… Cette journée nous a donc beaucoup marqués et comme me l’a dit Etienne, nous avons le jour de mon anniversaire vécu en actes l’Evangile de notre messe de départ : « J’étais en prison et vous m’avez visité ».

 

Etre chez les frères nous a enfin permis de partager leur magnifique vie de prière. Messe, adoration et différents offices : exactement ce qu’il nous fallait pour nous poser et nous ressourcer un peu avant de reprendre une dernière fois la route… Le lundi 1er mai, nous avons en effet fait travailler notre pouce pour commencer doucement le retour en stop… vers Paris ! A dans 3 semaines les amis !!!

Notre Aven’tour s’est donc terminée par 1 mois de mission qui nous aura énormément marqués. Finalement, chaque mission nous a bouleversés au plus profond de nous parce que chaque mission nous a confrontés aux différents visages de la détresse humaine, tout en nous permettant de comprendre que l’amour peut faire des miracles et que celui que l’on croit aider nous donne tellement plus en retour… Toutes ces femmes, tous ces hommes, tous ces enfants à qui nous avons essayé d’apporter un peu de joie et d’amour pendant cette année nous ont offert le plus beau des cadeaux : ils nous ont permis de toucher Jésus souffrant Sa Passion ; ils nous ont donné la possibilité d’apporter un peu d’eau au Christ criant « J’ai soif » sur la croix ; un peu d’eau mêlée de tout notre amour pour ce Dieu qui s’est fait homme par Son Amour infini pour nous…

Avril 2017